France > Gilles Eric Seralini : "On ne pourra plus mentir sur les OGM"
Publié par : AFP
Le : 11.01.08 | 17h00
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"On ne pourra plus mentir aux gens sur les OGM", estime Gilles Eric
Seralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen,
selon qui l’activation de la clause de sauvegarde pour suspendre la
culture du maïs OGM MON810 en France révélerait au grand public
l’insuffisance des tests effectués jusqu’à présent.
Q : Que signifie la polémique au sein de la Haute autorité sur les OGM ?
R : Les tests effectués jusqu’à présent sur l’impact des OGM en matière
de santé et d’environnement, présentent des lacunes énormes. Il s’agit
par exemple de tests faits pendant trois mois sur des rats pour mesurer
des effets sur le sang ou les organes du corps. Ils servent de modèle
pour tous les mammifères et pour l’homme. Pour certains, au sein de la
Haute autorité provisoire sur les OGM, ces tests sont suffisants, pour
d’autres ils sont grandement insuffisants. D’où une grosse polémique,
d’autant plus qu’on a commencé à trouver des signes de toxicité, après
seulement trois mois chez des animaux ayant consommé des OGM.
Q : Le débat sémantique au sein de la Haute autorité entre
"interrogations" et "doutes sérieux" n’est-il pas risible ?
R : Le principe de prudence n’a jusqu’à présent été appliqué ni par la
France, ni par l’Europe, ni par les Etats-Unis. On a autorisé le maïs
OGM dans le monde entier en n’ayant pas mieux que ces tests sur trois
mois, alors qu’on a normalement des tests de deux ans pour autoriser un
médicament ou un pesticide. Si on écrit "doutes sérieux", cela veut dire
que l’ensemble des commissions du monde qui ont travaillé sur le sujet,
et ceux qui les ont présidées, ont été malhonnêtes ou incompétents.
Toutes les autres commissions ont été gentilles avec les industriels, et
ont dit +on peut signer, il n’y a pas de risque+. Pour la première fois,
on fait apparaître au monde entier que le maïs MON810 a été autorisé
avec des insuffisances notoires.
Q : La France peut-elle assumer seule l’application du principe de
précaution ?
R : Trois pays européens (l’Autriche, la Grèce et la Hongrie) ont déjà
appliqué la clause de sauvegarde pour le MON810. C’est un problème
crucial qui décide de l’avenir du monde. L’activation de la clause par
la France impliquera une nouvelle évaluation européenne. Cela redéfinira
le niveau de précaution pour l’ensemble des autres OGM et donc le niveau
de rentabilité des biotechnologies en Europe. Si vous imposez de
nouveaux tests, vous plombez le développement économique des OGM. Les
questions qui se posent avec le MON810 sont parfois plus graves avec les
autres OGM. La communauté internationale, la presse, le grand public,
vont se rendre compte qu’on leur a dit que les OGM étaient sains sur la
base de tests présentant des insuffisances notoires. D’où un phénomène
irréversible : on ne pourra plus mentir aux gens sur ce sujet.