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Le circuit court Alterconsos : un OVNI dans la distribution

Le mode de la distribution revêt plusieurs formes qui ont chacune leurs spécifités :
  • distribution par les commerces de proximité s'approvisonnant au près de grossistes,
  • grande / moyenne distribution avec l'intermédiaire de centrale d'achats,
  • e-commerce depuis aussi des centrales d'achats,
  • circuits courts sans intermédiare entre producteurs et consommateurs :
    • AMAP : garantie d'enlèvement périodique d'un produit formatté,
    • Alterconsos : commandes groupées sur catalogue.
Au momment d'investiguer le développement d'une application pour Alterconsos, un tour d'horizon a été fait en direction des autres formes de distribution afin d'y chercher des modèles conceptuels et d'ergonomie et éviter de réinventer l'eau tiède.
Mais cet espoir a été déçu : Alterconsos est un mode distribution qui a une forte personnalité et des caractèristiques qui l'éloigne nettement des autres modes et tout particulièrement de celui qu'on aurait pu croire proche : l'e-commerce.

Il n'existait au final que deux options :
  • abandonner une large partie des spécificités d'Alterconsos pour se rapprocher d'un modèle standard d'e-commerce : ceci permettait de recopier assez servilement l'un ou l'autre des modèles populaires sur le marché, voire de tenter de trouver un hébergement applicatif sur une plateforme du marché offrant des conditions de prix supportables ;
  • développer "from scratch" une application collant aux traits d'Alterconsos avec l'inconvénient de tatonner sur le choix d'une ergonomie et un effort de développement plus important.
C'est la seconde option qui a été choisie pour une raison affective simple : les principes de fonctionnement d'Alterconsos sont à la fois particulièrement sympathiques et redoutablement efficaces (et je n'y suis strictement pour rien).
Ci-dessous vous trouverez les quelques points majeurs qui font d'Alterconsos un mode de distribution OVNI et les quelques écarts assumés de l'application avec ce mode.

Des Alterconsos groupés en associations
On ne devient un "alterconso" que sur invitation d'un groupe constitué. Il n'y a pas d'auto inscription libre à la différence de l'e-commerce. Bref ce n'est pas une distribution "individuelle" avec le côté positif et la face négative éventuelle de ce modèle :
  • l'animateur du groupe est tout puissant : il peut aider, se substituer aux alterconsos, rattraper une commande un peu tardive. Il peut changer le profil personnel des membres du groupe : cette confiance est un élément fort et incite à une connaissance individuelle et une interaction entre membres du groupe qui n'a pas d'équivalent dans les autres modes de distribution. L'application respecte à la lettre ces options ;
  • la face négative est qu'un groupe "excluant" peut litéralement agir en dictature sur le groupe, contraindre ses membres, leur fermer l'accès ... exactement comme celà est possible sans application informatique. Le contournement de ces comprtements excluants consiste à, a) soit se faire inscrire dans un groupe voisin, b) soit faire créer un nouveau groupe autonome.
La création d'un nouveau groupe n'est pas libre en ce sens que c'est un "administrateur" qui doit l'initialiser : à ce jour aucune demande n'a été refusée mais il reste néamoins une possibilité de "modération" qui permettrait d'écarter un groupe dont le comportement vis à vis des producteurs ne serait pas correct vis à vis de l'éthique plus ou moins informelle des alterconsos.

Des producteurs regroupés
Symétriquement les producteurs sont aussi regroupés en association plus ou moins formelle et ne s'auto-inscrivent pas dans le circuit Alterconsos.
Ceci n'est pas une clause de style : l'accord dans un groupement ne va pas de soi et des sorties / entrées de producteurs ont lieu, rarement conflictuelles mais parfois.
Là aussi l'animateur du groupement a des prérogatives très fortes et doit bénéficier de la confiance des producteurs : si en apparence ce "super pouvoir" peut apparaître autoritaire il n'en n'est rien dans la pratique quoitidienne et la plupart des producteurs apprécie qu'un animateur gère à leur place calendrier de livraison, catalogue de produits et souvent comptabilité. D'ailleurs ces prérogatives font parfois l'objet d'un contart et d'une rémunération dans le cadre d'un GIE : les sommes en jeu ne sont pas symboliques.

Que ce soit vis à vis des groupes d'alterconsos ou des groupements de producteurs l'application se conforme à la lettre à l'organisation qui était en place : la seule différence est que certains processus informels ont été structurés pour être traités informatiquement et quelques choix ont dû être faits à cette occasion :
  • les données personnelles étaient détenues sur différents supports qui s'échangeaient ... sans faire l'objet d'une politique rigoureuse de confidentialité (c'est un euphémisme). La visibilité potentielle plus large de celles-ci a conduit à définir une politique de confidentialité à 3 niveaux (restreinte, normale, publique) qui permet à chaque alterconso / producteur de maîtriser son niveau de confidentialité sachant que l'animateur est supposé la respecter aussi ;
  • incrire un nouveau membre ou résilier l'accès d'un membre sont des actes explicites et qui supposent une action volontaire et une décision explicite ;
  • des données nouvelles comme la possibilité de localiser par Maps une adresse d'exploitation ou un point de livraison ont été rendues possibles mais sont toujors faculatives ;
  • à noter qu'un alterconso qui souhaiterait une publicité minimale peut se limiter à être identifié par un court pseudo (et un mot de passe) et une confidentialité restreinte le rendant invisible sauf à l'animateur de son groupe. 
  
Une politique de prix "originale"
Alterconsos a institué une politique de prix particulière qui ne se retrouve pas dans les autres modes de distribution.
Les produits sont définis dans un catalogue sur lequel il est défini un prix pour chaque livraison (il peut être identique sur une saison et l'est souvent mais pas toujours). Les principes suivants ont tous été respectés dans l'application :
  • le prix est identique pour tous les groupes et ne subit pas de variation en fonction du volume, ni de "promotions". Pour être exact ce principe est contournable en créant plusieurs produits similaires proposés à des prix différents, certains à certains groupes, d'autres variantes à d'autres groupes. Aucun cas n'a été relevé à ce jour ;
  • le prix est celui "de la livraison" et non pas à la date de la commande. De plus ce prix peut changer tardivement, voire après distribution ! Ainsi un jour un prix "erroné" a été corrigé après remise de certains chèques ... ce qui a permis de rembourser des alterconsos devenus créditeurs à leur insu. Cette "anomalie" dans le monde la distribution est limite vis à vis des lois régissant le commerce mais la bonne pratique constatée, non seulement n'a jamais été répréhensible et même favorable aux alterconsos. Il reste qu'en général un prix ne change pas après ouverture aux commandes ;
  • la saisonnalité est réglée d'avantage en jouant sur l'indicateur de disponibilité / abondance que sur le niveau de prix ;
  • les prix proposés ne sont pas "discutés" : c'est une pratique observée, pas une règle. Le producteur fait "son prix équitable" ... mais les alterconsos sont libres d'y trouver ou non la qualité qu'ils en attendent ;
  • chaque produit peut ne pas être distribué à tous les groupes. Cette possibilité (implicite en gestion manuelle) n'a pas été utilisée mais elle est potentiellement utile :
    • un groupe peut ne pas être équipé (en chaîne du froid par exemple) pour le distribuer ;
    • chaque groupe reste maître de choisir tel ou tel produit chez le producteur de son choix. C'est l'animateur du groupement qui saisit cette information dans le catalogue en coordination / accord avec l'animateur du groupe.

Pas de gestion de la "pénurie" de produits
Il n'y en avait pas et il n'y en a toujours (presque) pas.
Tout ce qu'il est possible de faire est de jouer sur l'indicateur de niveau d'abondance d'un produit pour une livraison afin d'inciter les alterconsos à augmenter ou modérer leurs commandes.
Cet indicateur n'est ... quasiment pas utilisé (mais ça peut venir).
Gérer des "quotas" aurait été possible : mais alors que le simple indicateur d'abondance n'est pas positionné à bon escient comment supposer qu'un quota par groupe l'aurait été. Et puis quelle politique appliquer : premier demandeur premier servi (quid des modifications de demandes) ? frustration proportionnelle ?
De fait un animateur de groupement peut :
  • émettre une nouvelle "rouge" au niveau d'une livraison indiquant le risque de pénurie ;
  • décider de lui-même quel groupe il favorisera ou non, d'autant plus qu'il peut suivre à tout instant les niveaux de commande de chacun (du moins ceux commandant par l'application).
Après c'est l'animateur de groupe qui apprécie "avec équité" (et souvent en téléphonant aux alterconsos à frustrer).

Un planning concerté
Le planning de livraison ne peut être que consensuel : de facto c'est l'animateur de groupement qui fixe les dates dans l'application mais évidemment sur une base discutée.
Les dates et heures de déchargement et distribution peuvent être modifiées par les animateurs de groupe comme de groupement : 
  • concernant le déchargement c'est obligatoirement par accord entre les deux parties bien entendu ;
  • concernant la date et heures de distribution ce n'est normalement que du ressort de l'animateur d'un groupe. Pour des questions de pratique certains animateurs de groupement sont en fait des animateurs de groupe qui assurent cette tâche pour rendre service et dans ce cas ils peuvent aussi ajuster les date / heures de distribution.

Un paiement et une comptabilité rapides et basés sur la confiance
Les paiements sont enregistrés par l'animateur du groupe lors de la distribution des paniers. C'est une différence de fond par rapport aux distributions e-commerce.
La proximité et la connaissance mutuelle des alterconsos et des producteurs permet de s'affranchir de la majeure partie des problèmes de non paiement. A noter que si un tel incident survient il n'affectera au plus qu'un achat, l'alterconso indélicat se retrouvant résilié sur l'instant. Si des cas ont existé, ils ne semblent pas avoir été connus hors du groupe où ils se sont produit.
De ce fait la comptabilité d'une livraison est d'équerre très vite : afin de fluidifier les cas de retraits des paniers tardivement ou par quelqu'un d'autre, le mécanisme de "payer pour un autre" a été mis en oeuvre et tracé : ainsi les producteurs peuvent rattacher tout paiement aux objets auxquels ils se rapportent. De même il est possible de payer une commande par plus d'un chèque et d'en garder trace. Tout est donc fait pour accélérer aux deux bouts l'encaissement effectif et réduire le découvert de trésorerie créé de facto par le commerce (et notons le bien en dessous du délai qu'impose la distribution traditionnelle aux producteurs).
Une comptabilité fermée par livraison
Il a été opté en toute conscience en faveur d'une comptabilité qui devait s'équilibrer pour chaque livraison. En fait rien n'empêche celle-ci de comprter des comptes de producteurs créditeurs ou débiteurs mais il est alors conseillé de renseigner la raison pour laquelle ce compte restera créditeur / débiteur (ça peut porter sur des sommes faibles résultats d'erreur de rédaction de chèque).
Bref le solde d'une livraison par producteur n'est pas reporté dans une comptabilté génrale "trans" livraison.
C'est le même principe pour les alterconsos : les accords entre alterconsos et animateurs sont consignés explicitement dans des "payé par" mais la comptabilté est équilibrée par livraison (c'est à dire que les déséquilibres sont traités hors de l'application). Il n'existe donc pas de compte permanent des alterconsos ce qui d'ailleurs aurait posé un problème de fond : les associations alterconsos ne font pas transiter les sommes par leur comptabilité.

Quelques interprétations issues de l'informatisation
Informatiser cette chaîne de commande / distribution a entraîné de fait quelques interprétations qui peuvent être jugées selon son appréciation personnelle comme une amélioration ou une régression.

Connaissance immédiate des commandes
Sans l'application, un alterconso doit envoyer sa feuille à un moment donné et ne peut plus y toucher. D'où la tendance à reculer cette échéance pour se donner la liberté de remord et de complément tardif ... quitte à rater la date / heure limite.
L'application rend cette commande possible à tout instant : de plus elle est visible sur l'instant par les producteurs. Certes l'animateur peut toujours retoucher les commandes après la date / heure limite mais entre temps les producteurs ont pu suivre l'évolution au jour le jour (à tout instant en fait) des commandes en cours. Les alterconsos eux-mêmes peuvent connaître la quantité totale commandé par le groupe pour un produit.
Ce choix est volontaire et assumé : il aurait été aussi simple (au niveau développement) de bloquer les commandes en visibilité du seul animateur de groupe et de les rendre visibles aux producteurs qu'après une date / heure limité ou un ordre explicite de validation du groupe. 
Les avantages de la transparence sautent aux yeux de beaucoup ... mais n'est pas obligatoirement appréciée de tous les animateurs qui pour certains se voient "dépossédés" de leur rôle d'intermédiaire "incontournable" : les alterrconsos peuvent se passer d'eux pour effectuer leurs commandes. C'est effectivement le cas pour la partie "saisie" des commandes mais ceci n'enlève rien du rôle indispensable de contrôle des commandes par l'animateur :
  • il n'est pas rare que des alterconsos se trompent en saisissant la quantité et peuvent facilement commander 6 cartons de 6 bouteilles en croyant commander 6 bouteilles ;
  • pour les produits qui peuvent se commander par moitié il faut ajuster pour retomber sur des quantités entières ;
  • enfin il faut parfois régler la pénurie (à la distribution mais parfois à la commande).
L'animateur a en effet été déchargé de l'essentiel de la part de saisie / regroupement (il reste pour les retardataires) mais pas de sa part de contrôle a posteriori et avant chargement par les producteurs.
Ce choix de tranparence a été discuté en cours de développement et conforté par ceux qui en eu à se prononcer et y appréciaient justement d'être déchargé de cette contrainte (mais ce n'étaient pas à l'évidence les plus à cheval sur leurs prérogatives).
Du côté des producteurs c'est un avantage de poids : il devient possible de connaître les tendances bien avant la date / heure limite et surtout la centralisation / ventilation par producteur est disponible à tout instant.

Gestion de la répartition dans les camions
Pour un groupement important la logistique de transport est un problème récurrent et assez lourd à gérer. Les camions disponibles varient d'une date à l'autre, leur tonnage, leur capacité de froid également.
Cette gestion des camions permet à l'animateur de fixer camion par camion quels groupes seront servis par sa tournée. Il est aussi possible de fixer ceci diféremment pour les produits "froids" et les "secs". Il devient très simple d'essayer différentes combinaisons, le recalcul de chacune étant instantanné et le résultat visible à l'écran.
Ceci a demandé une extension des informations sur les produits :
  • savoir pour chaque produit s'il était froid ou sec ;
  • fixer un pourcentage de "surcharge d'emballage pour le transport". En effet in fine ce qui importe est le poids "transporté" (palettes et caisses comprises) et non plus le poids net de produit pour les consommateurs. C'est en tous cas le poids qui intéresse la maréchaussée (connue par son manque d'humour sur le sujet).
Envois d'e-mails de synthèse hebdomadaire
Cet envoi est facultatif et configurable au niveau du groupe / groupement (jour de semaine choisi ou aucun) et de chaque alterconso / producteur (oui ou non).
Le compte sous lequel sont envoyés ces mails est un compte derrière lequel il y a un "humain" et non un robot : il est donc possible d'y "répondre".
Certains pensent que cet envoi est nuisible et supprime du lien qui était créé à l'occasion de chaque commande : rien n'empêche d'envoyer des e-mails spécifiques (et tous les groupes le font) et rien n'oblige à souscrire à ces envois hebdomadaires.
Certains pensent que ça ne sert pas à grand chose.
Et ... certains se sont plaint de pannes qui avaient affecté cet envoi automatique au motif qu'ils en avaient oublié des dates critiques. Comme quoi c'était pas si inutile que ça à tout le monde et principalement à des gens comme moi incapables de se souvenir de dates d'avance.